Coucou les loulous, voici ma participation (non prise en compte parce que je fais partie du staff) au concours d'Halloween ! Merci pour la lecture :)
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Marc se réveilla brusquement, tiré d’un sommeil léger par le hululement d’une sirène de pompier au dehors. Dans la pièce aux rideaux à demi clos, la fumée âcre d’un mégot de cigarrillo paraissait bleue, éclairée par la lumière du gyrophare qui s’éloignait. Une odeur entêtante de whisky premier prix emplissait l’air, et le tourne-disque égrenait les dernières notes du 45 tours qu’il écoutait chaque soir. Au pied de son fauteuil gisait la bouteille ouverte, négligemment posée près des dessins d’enfant.
Chancelant, étourdi par ses frasques, il se leva et ouvrit la fenêtre en maugréant. Il hurla son mécontentement, prenant à parti le camion déjà disparu à l’angle de la rue. Allumant une La Paz au mégot de l’autre, il se pencha à la fenêtre, pensif. Alors qu’une bouffée d’air frais frappait son visage, il observait les tours qui se dressaient devant lui. De cette fenêtre, il pouvait embrasser d’un regard tout son quartier, noyé dans la lueur jaune des lampes au sodium. Se tournant vers la chambre, il aperçut le reflet de son visage dans le miroir. Une barbe sombre, éparse, cachait difficilement son ton marmoréen. La pâle lueur de la Lune accentuait cet aspect diaphane, et il détourna précipitamment la tête, comme pour fuir l’homme qu’il était devenu.
Depuis près de six mois déjà, ces soirées étaient devenues rituel. Tout était arrivé vite, trop vite, l’accident, le jugement, la séparation, et la solitude, qui chaque jour étendait un peu plus son emprise. De son ancienne vie, il ne restait que cette pièce, réminiscence d’un é heureux. Dans cette chambre aux allures de sanctuaire, rien n’avait changé : le cartable bleu, entrouvert, le lit, toujours fait, la veilleuse près de la porte, les crayons de couleur sur le bureau semblaient attendre sagement le retour de leur propriétaire. Et ces dessins, ces dessins partout, Ses dessins. Plus que les centaines de photos dans son téléphone, que les vidéos de sa fille disparue, ces esquisses étaient devenues pour lui son ancre, sa raison d’être. Au cours de ces nombreuses soirées, il feuilletait, parcourait, déchiffrait, adorait ces feuilles blanches, parcourues de lignes pastel, ces maisons, ces familles, ces simples paysages étaient tout ce qui lui restait d’elle.
Fermant la porte de la chambre derrière lui, Marc se dirigea vers la cuisine de l’appartement, attrapa au age une bière dans le frigo, et alluma la télévision. Ainsi affalé dans le canapé, il aimait laisser défiler les programmes toute la nuit durant, bercé par ce bruit parasite qui l'empêchait de penser. Il pencha la tête en arrière, ferma les yeux, et percevait par bribes seulement le flot continu des paroles des invités. Ce soir, on discutait médecine, éthique et nouvelles technologies. Le débat faisait rage, et les intervenants se cessaient de se couper la parole, dans une malséance assumée. “Un beau ramassis de cons”, marmonna Marc.
Avec une folle outrecuidance, un jeune roquet jouait avec les exemples : la médecine à distance, la médecine et les Big Data, l’échantillonnage de l’ADN, la lutte contre les phobies et le deuil grâce à la Réalité Virtuelle. Marc se leva brusquement, et haussa le son : le jeune médecin parlait d’une technologie développée par son laboratoire, pouvant aider les familles à outreer la douleur. Une technologie encore en phase de tests, mais qui semblait vouée à un heureux avenir, s'il arrivait à trouver assez de volontaires pour aider au perfectionnement de l’algorithme.
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Dans la salle du laboratoire, les murs blancs étaient capitonnés. Un faisceau de câble courait au plafond, au bout duquel pendait mollement un casque d’aspect futuriste. Intimidé, Marc se tenait dans un angle, près de la porte d’entrée. Un jeune chercheur, ablement agacé par les incessantes questions de Marc, l’avait intimé de rester ici jusqu’au signal sonore. “Il nous faut une dizaine de minutes pour charger les données que vous nous avez apporté”, avait-il expliqué, comme pour rassurer le quarantenaire visiblement déé par les événements.
Lors de son premier rendez-vous téléphonique, une semaine auparavant, l’équipe enjouée l’avait convié à redre le test. Il s’était alors rendu sur place, première véritable sortie depuis plusieurs mois. En entrant dans le laboratoire, il avait été surpris par la vétusté des lieux : à sa droite, des bancs inconfortables arrangés en cercle autour d'un distributeur de café lyophilisé tenaient lieu de salle d'attente. A sa gauche, une multitude de portes blanches restaient fermées. Seule touche de couleur dans la pièce, un bonsaï décrépi trônait près du standardiste. “On manque de moyen pour la recherche”, avait alors éludé, narquois, le jeune homme qui l’avait accueilli. On lui avait demandé de fournir tous les documents, vidéos, photos, dessins qu’il possédait. Le premier test aurait lieu rapidement.
Perdu dans ses pensées, Marc entendit à peine le tintement sonore provenant des hauts-parleurs de la salle. Une voix péremptoire résonna soudain, l’invitant à avancer. Deux hommes, vêtus de blouses blanches, entrèrent dans la salle et installèrent le casque sur le front de Marc, puis sortirent sans dire un mot. Dans le silence feutré de la pièce, Marc se sentait étonnamment calme. Une douce musique émanait maintenant des hauts-parleurs, et une odeur familière emplissait l’air. Du jasmin. Une note de vanille. Marc s’installa en tailleur, et attendit. Un faible bourdonnement vibrait dans l’air, et un flash lumineux le surprit, lui arrachant quelques jurons. Ses rétines, habituées à l’obscurité du casque, s’adaptèrent rapidement, et il constata non sans effroi, qu’il se trouvait maintenant à l’extérieur.
Devant lui, les vertes collines du centre de la offraient à sa vue un paysage à couper le souffle. Il sentait presque le soleil lécher ses avant-bras nus. Des cris d’oiseaux, un aboiement perdu au loin développaient sa fascination. Extasié devant cette expérience, il inspira profondément, et se tourna, pour mieux embrasser le paysage. A sa droite, comme perdue dans l’immensité, se dressait une maison aux fenêtres ouvertes. Interloqué, Marc s’approcha, doucement d’abord. Soudain, il l’entendit. Le rire cristallin de sa fille, qui s’échappait de la fenêtre. Un éclat de rire, qui fit exploser son cœur. Cette douce mélodie qu’il n’oubliait pas, ce fragment du é. Affolé, il hâta le pas, de plus en plus, jusqu’à courir à grandes foulées vers ce bonheur retrouvé.
Par la fenêtre, des dessins s’envolaient, portés par le vent. Empli d’allégresse, il essayait d’attraper les feuilles sans ralentir sa course, sans toutefois y parvenir. Bientôt parvenu au seuil de la maison, il s’arrêta un instant, sondant les environs à la recherche de sa fille. Enfin, il pourrait la revoir, la serrer dans ses bras, l’aimer comme avant. Reprenant sa course, il obliqua à droite, dans un long couloirs aux murs blancs, puis à gauche, ouvrit une porte, et la vit. Intimidé, les larmes aux yeux, il s’approcha doucement, dans son dos, et tendit la main vers son épaule. Il l’avait retrouvé. Sa main s’abaissa, et avant qu’il eût le temps d’effleurer les cheveux de sa fille, il se retrouva dans le noir total.
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Derrière leurs écrans, les chercheurs observaient patiemment la scène. La simulation marchait parfaitement. Baissant le son des hauts-parleurs, pour masquer la rage du cobaye, ils attendaient patiemment que celui-ci tombe, sans force, épuisé par ses émotions et ses tambourinements sur les murs de la salle voisine.
Le plus vieux des chercheurs prit alors la parole. “Le test est concluant. La gestion de l’environnement correspond à nos attentes. Il ne nous reste plus qu’à implémenter l’interaction entre le sujet et le personnage.” Puis, voyant à l’écran que Marc continuait de frapper, jusqu’au sang, les murs de la pièce blanche, il ajouta : “Ne devrions-nous pas les prévenir qu’il s’agit juste d’une version en développement ?”. Un sourire aux lèvres, amusé par cette boutade, il éteignit l’écran et les hauts-parleurs, et invita ses collègues à partager un café dans leur salle de pause.

Comments (2)
Bravo tu n'as pas gagné !
C'est la rançon du succès